Caractères

Il est indéniable que beaucoup de fonderies possèdent déjà une didone à leur catalogue et que toute nouvelle sortie conduit inévitablement à se poser la question « Pourquoi encore produire un Didot ? ».
La demande de l’industrie étant forte pour ce type de caractères, on pense d’abord à une motivation économique. Pourtant la sortie d’un Didot reste un événement dans le milieu de la typographie.
Car oui, le Didot est devenu un archétype. Sa silhouette et ses terminaisons acérées sont devenues l’incarnation stéréotypée du monde du luxe, tantôt chic tantôt superficiel.
Toutefois, la complexité de son dessin, la tension qui sous-tend ses lignes ou encore sa structure droite et construite, traduisent une histoire plus complexe qui continue de fasciner les dessinateurs comme les graphistes.
Didot, c’est avant tout une famille d’imprimeur qui, par son savoir faire et ses innovations, a réussi à s’inscrire dans l’histoire de France. Leur connaissance et leur maîtrise leur ont en effet permis de travailler (sans perdre leurs têtes) d’abord pour le Roi, puis pour le gouvernement révolutionnaire, avant de devenir le symbole du style Napoléonien.
C’est le coté “#french #romantic #chic”, dont ce caractère est devenu le dépositaire, que les magazines de mode sont venus chercher à partir des années 50 en l’utilisant massivement pour leurs couvertures.

Or cette utilisation omniprésente en titrage a fini par occulter presque intégralement son usage initial, à savoir le texte de labeur.
Le Trianon, sorti il y a quelques semaines chez Production Type se démarque justement de ses récents prédécesseurs sur cet aspect. Grâce à un dessin composé sous la forme de quatre corps optiques, il assume complètement cet emploi pour du texte courant. Le Trianon se paye même le luxe de lui consacrer deux différents corps, le Trianon Text et le Trianon Caption alors que le Display et le Grande (un super Display) sont plutôt dédiés au titrage.
Concevoir un Didot est un exercice de style. Le designer se doit d’osciller entre la fidélité du dessin original et une interprétation plus personnelle. Loïc Sander pour son Trianon a choisi de travailler non pas sur une source spécifique mais sur un ensemble. « Mon intérêt pour le Didot est effectivement parti de styles tardifs, fin XIXe/début XXe, mais je suis aussi remonté aux sources jusqu’aux travaux de fin de carrière de Firmin Didot donc les années 1820–30[….] Ce caractère est et une anthologie et un hommage à la didone française à travers les âges ».



Il n’est pas aisé de différencier au premier coup d’œil un Didot d’un autre. Néanmoins ce qui frappe dans ce revival outre l’exhaustivité des graisses (pas moins de 44 styles), c’est la présence de deux italiques différenciées, une version rationnelle et une autre plus gestuelle.
Autre particularité spectaculaire, les versions Light des corps conçues pour le texte (Trianon Text et Caption) dénuées de leur contraste entre les pleins et les déliés arborent une silhouette digne d’une égyptienne.


Afin de mettre en relief de manière plus explicite les autres spécificités de ce caractère, je me suis permis de le confronter rapidement à quelques Didot du marché. (cliquer pour agrandir)


Saluons la possibilité de pouvoir télécharger gratuitement une version d’essai. Seule façon à mon avis de réellement pouvoir tester et apprécier le travail de précision dont a joui la création de ce caractère avant de l’acquérir (Choisir “Free Trial” dans l’onglet “Licence For”).
Le Trianon est un très beau projet qui sera ravir les utilisateurs les plus exigeant comme les amoureux des didones. Vous pouvez d’ailleurs le voir en action dans le dernier Graphisme en France (PDF 42Mo) réalisé par le studio ultragramme.


Le Trianon est disponible chez Production Type en 5 graisses et 4 corps optiques. Petit bonus, le Trianon est livré avec quelques friandises ornementales.
Design : Loïc Sander
Team : Sandra Carrera, Yoann Minet, Roxane Gataud !
Prix des licences (à partir de et pour une graisse) :
Print : 40 €
Web : 83 €
Web + Print : 96 €
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